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19 août 1820 : deux romanais impliqués dans le complot du Bazar Français

19 août 1820 : deux romanais impliqués dans le complot du Bazar FrançaisLe 19 août 1820, un complot visait à chasser le roi de France Louis XVIII et à le remplacer par Napoléon II, roi de Rome, fils de Napoléon Ier, empereur des Français, et de Marie-Louise d’Autriche.

Cette conspiration militaire est appelée “complot du Bazar Français”, du nom d’un magasin situé dans une galerie marchande, rue Cadet à Paris, et servant de lieu de rendez-vous aux conspirateurs.

Deux romanais furent impliqués dans ce complot :

– Jean-Joseph Malen est né le 14 février 1770 à Romans, paroisse Saint-Romain, de Jean-Pierre Malen, fabricant de bas, et Françoise Bouvier. Il était administrateur du Bazar Français. A la date du complot, il demeurait 31 rue Mauconseil à Paris, mesurait 1,68 mètre, avait les cheveux et sourcils noirs, le front moyen, les yeux gris, le nez gros, la bouche grande, le menton court et le visage rond. Dans les archives du procès, son nom est orthographié Mallent.

– Charles Bérard est né le 13 septembre 1781 à Romans, paroisse Saint-Nicolas, de Jacques Bérard, marchand, et Marie Ramel. Il était chef de bataillon dans la légion des Côtes-du-Nord (aujourd’hui, Côte-d’Armor) et le 17 septembre 1816, il avait été fait Officier de l’Ordre Royal de la Légion d’Honneur (les comptes rendus du procès le disent dans la légion des Côtes-du-Nord alors que les archives de la Légion d’Honneur le disent dans la légion de l’Aveyron). A la date du complot, il demeurait 78 rue du Faubourg du Temple à Paris, mesurait 1,82 mètre, avait les cheveux et sourcils bruns, le front bas, les yeux bruns, le nez long, la bouche ordinaire, le menton relevé et le visage allongé.

Nous allons nous intéresser uniquement aux faits relatifs à ces deux romanais et rapportés dans les comptes rendus du procès.

Un établissement venait d’être formé rue Cadet, dans le faubourg Montmartre de Paris, sous le nom de Bazar Français. Un jour qu’il n’a pas indiqué de manière précise mais qui paraît devoir être placé à la fin du mois de juillet, le sieur Bérard (le romanais Charles Bérard), chef de bataillon dans la légion de l’Aveyron, se trouvant de ronde dans le quartier, était allé en uniforme au Bazar. Il examinait particulièrement les tableaux qu’on y expose lorsqu’il fut accosté par plusieurs personnes qui parlaient de peinture et parmi lesquelles était un capitaine de la légion de la Meurthe, qu’il ne connaissait pas alors et qu’il a su depuis être le capitaine Nantil. Au nombre de ces personnes était aussi le colonel Sausset, l’un des administrateurs de l’établissement. Après avoir causé quelques instants sur les mérites des tableaux exposés, Nantil amena la conversation sur le service militaire. Il se plaignait avec aigreur de quelques injustices qu’il prétendait avoir éprouvées et de celles qu’avaient à craindre tous les officiers de l’ancienne armée. A la fin de l’entretien, il demanda à Bérard la permission d’aller le voir chez lui. Il y vint en effet quelques jours après et plusieurs fois de suite. Il lui renouvela les mêmes plaintes et lui annonça, sans s’expliquer davantage, que quelque chose se préparait.

Dans les premiers jours du mois d’août, un déjeuner eut lieu au Bazar Français auquel assista le chef d’escadron Maziau, un des émissaires envoyés par les conspirateurs dans les départements septentrionaux. Le colonel Sausset et un ancien militaire appelé Mallent (le romanais Jean-Joseph Malen), tous deux administrateurs du Bazar, y étaient aussi. La capitaine Nantil y vint. La disposition des couverts annonçait qu’une ou deux autres personnes auraient du s’y trouver. Le déjeuner était très avancé quand le chef de bataillon Bérard arriva. Lorsque celui-ci eut achevé, Maziau le prit à part et, l’ayant emmené dans une pièce voisine, il lui annonça une entreprise qui se préparait, à la tête de laquelle étaient des personnages éminents, et qui devait procurer d’amples récompenses à ceux qui y prendraient part. Il s’agissait de remettre la France dans la position où elle se trouvait en 1815. Le roi, suivant Maziau, était sur le point de mourir. On cachait son état mais il fallait profiter de ce moment pour mettre le roi de Rome sur le trône. Des relations étaient ouvertes avec les divers corps militaires. “Vous êtes un de ceux sur qui l’on compte, ajouta Maziau, mais je ne puis vous nommer personne dans les premiers moments, vous saurez tout plus tard et n’oubliez pas qu’on ne doit jamais être plus de deux ensemble afin de tout nier en cas de besoin.”

Maziau sortit et Bérard rentra dans la salle du déjeuner où était la femme d’un colonel qui a aussi été inculpé d’être un des émissaires de la conspiration. Bérard se plaça à côté de Mallent et lui fit part des ouvertures qu’il venait de recevoir. Mallent en parut instruit et l’y confirma. Bérard le conduisit alors au bureau qu’il occupait dans une autre partie du bâtiment. Lorsqu’il y furent arrivés, Mallent lui fit entendre qu’il y avait plusieurs partis et qu’il était aussi question du prince d’Orange. La question en était à ce point lorsque le colonel Sausset arriva et parla, entre autres, des persécutions dont il avait été la victime. Plusieurs personnes vinrent demander Sausset et Mallent pour les affaires du Bazar et la conversation se termina.

Nous avons ici à faire avec le premier contact entre les romanais Charles Bérard et Jean-Joseph Malen. Dans une des pièces du procès, il est écrit qu’ils se connaissaient déjà, étant compatriotes.

Quelques jours après, Nantil invita Bérard à déjeuner et celui-ci ayant tardé d’arriver, il l’envoya chercher en cabriolet par un de ses sous-officiers. L’objet de la conversation fut encore le même. Un officier de Bonaparte pendant les Cent jours, M. Dumoulin, était à ce déjeuner. Nantil y dit qu’un travail était préparé au Ministère de la guerre pour exclure tous les officiers, que Bérard en faisait partie mais qu’il avait un moyen de le soustraire à cette mesure : c’était de se réunir à eux, que leur plan était formé, qu’une nouvelle armée allait s’organiser, qu’on avait pensé à lui pour de l’avancement et qu’il fallait risquer le tout pour le tout.

Vers le milieu du mois d’août, Mallent et Bérard s’étaient donné rendez-vous à un bureau de diligence, rue du Faubourg-Saint-Denis, pour se communiquer ce qu’ils sauraient de nouveau. Ils s’y rencontrèrent en effet et allèrent déjeuner chez un traiteur au coin du boulevard. Pendant ce déjeuner, Mallent parla alors d’un voyage que le colonel Sausset ferait à Vitry en portant un drapeau tricolore et des proclamations. Cette entrevue, indiquée d’abord au 6 août, a été, sur les observations de Mallent, replacée à une date postérieure au 14 août, époque du départ de Sausset pour Vitry.

Vers le milieu du mois d’août, le 15 ou le 16, une nouvelle réunion eut lieu au Bazar Français. Mallent, Nantil, Rey, Bérard et Dumoulin y étaient, ainsi qu’une autre personne qu’on croit être Henry. Nantil annonça que tout était prêt pour l’exécution et demande qu’elle fut fixée à la nuit même ou au lendemain, sans quoi il ne pouvait plus répondre de rien. Dumoulin ne fut pas de cet avis. Une discussion vive s’éleva entre eux et celui-ci la termina en disant à Nantil qu’il était impossible d’agir avant que tout le monde fut prévenu.

Finalement, la conjuration fut découverte avant d’être mise à exécution et tous les conspirationnistes furent arrêtés.

Le romanais Charles Bérard fut condamné à être immédiatement dégradé.

Attendu qu’il n’y eut pas de preuves suffisantes pour qu’ils soient coupables d’avoir participé à un complot dont le but était de changer le gouvernement, les romanais Charles Bérard et Jean-Joseph Malen furent remis en liberté.

On ne sait pas ce qu’ils sont devenus.

Sources : Archives du sénat de la République française, cliquer ici – Procès de la conspiration militaire du 19 août 1820, Ponthieu, Paris, 1821, cliquer ici – Illustration : Napoléon II, roi de Rome et héritier du trône impérial français par Thomas Lawrence.

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