Jean-Yves Baxter Lire →

Le testament charitable de Claude-Pierre Dedelay d’Agier

Le testament charitable de Claude-Pierre Dedelay d'AgierLes Archives municipales de Romans-sur-Isère ont récemment fait l’acquisition du testament olographe de Claude-Pierre Dedelay d’Agier, daté du 12 février 1824, par un dépôt de son propriétaire.

Un testament olographe est écrit tout entier de la main du testateur.

Ce document n’est pas l’original lui-même mais une transcription faite le 12 août 1827 par maître Georges Bernard Lacour, notaire à Romans, sur présentation de l’original par Claude Pierre Louis Antelme, chevalier de l’Ordre royal de la Légion d’Honneur, demeurant à Bourg-de-Péage et héritier universel du dit Claude-Pierre Dedelay d’Agier.

Né à Romans, le 25 décembre 1750, de François Noël Dedelay (parfois orthographié de Delay), avocat au parlement de Paris, et de Marie Jeanne Agier. Maire de Romans de 1788 à 1790, conseiller municipal de Bourg-de-Péage de 1817 à 1825, député de la Constituante, du Directoire, du Consulat, du Premier Empire et de la Restauration. Il est mort à Bourg-de-Péage, le 4 août 1827 et il repose dans un magnifique mausolée, dans sa propriété du Bois des Naix.

Philanthrope, il avait fait un noble usage de sa fortune, retiré du monde, utilisant une grande partie de ses revenus pour les oeuvres sociales comme on peut le lire dans d’émouvants extraits de son testament :

“Les divers établissements de charité que j’ai fondés et dotés doivent, d’après la population actuelle, suffire aux besoins ordinaires de la commune de Bourg-de-Péage si, comme je n’en doute pas, ils continuent à être administrés et les distributions faites avec autant de discernement et de zèle que d’impartialité.”

“Ainsi, dans les temps ordinaires, la santé des habitants pauvres, travailleurs de terre, ouvriers et artisans de la commune sera la première chose à prendre en considération par les respectables dames de la Congrégation du Saint-Sacrement. Ces dames auront à visiter les pauvres malades et, si la maladie permet de laisser le malade chez lui, il lui sera porté à domicile le bouillon, le pain, la viande, les tisanes, médicaments et généralement tout ce qui paraîtra nécessaire à son prompt rétablissement et à assurer sa convalescence. Les revenus de l’hospice sont suffisants pour ces besoins dans les temps ordinaires. Si la nature de la maladie ou la situation et le dénuement du malade ne permettait pas de le traiter chez lui, la commune s’est engagée à fournir une salle et deux lits pour recevoir le malade qui serait soigné à l’hospice. Outre ce traitement des malades de la commune, les dames du Saint-Sacrement ont encore des devoirs bien essentiels à remplir. Ceux de l’école gratuite pour l’éducation des filles pauvres, la lecture, la religion et les premières notions du travail à l’aiguille, en tout dans les oeuvres de piété et de miséricorde confiées à ces dames, si éminemment vouées au bien.”

“L’établissement pour la distribution des soupes pendant les temps rigoureux de l’hiver est encore une oeuvre confiée aux dames charitables. La dotation est suffisante dans la majorité des hivers même en distribuant de 400 à 500 soupes par jour. Mais s’il arrivait des temps désastreux, soit par l’intensité et la prolongation des froids, soit par la cherté des denrées, et qu’une distribution plus abondante ou plus prolongée devint nécessaire, c’est alors que les dames religieuses et les dames charitables demanderaient la réunion en assemblée générale des diverses administrations afin d’ordonner que les revenus de la caisse de secours des pauvres ouvriers, que j’ai fondée et dotée par indivis et égales portions entre la commune du Péage que j’habite et celle de Romans, ma ville natale, viennent pour ces temps calamiteux accroître les revenus de l’établissement des soupes afin de pouvoir subvenir aux besoins du moment dans toute leur étendue.”

“Quant à cette caisse de secours pour les pauvres ouvriers de la commune du Péage et de Romans, elle ne doit être employée dans les temps ordinaires qu’à fournir un secours prompt à tout pauvre ouvrier, qu’un accident fortuit ou son grand âge, ou la rigueur de la saison empêcherait de travailler. Ses revenus sont plus que suffisants pour remplir ces trois objets. Mais les secours permanents pour cause de grand âge ne doivent s’accorder qu’aux vieillards octogénaires et seulement en leur fournissant tous les jours un pain blanc d’une livre, à chacun, assez frais pour qu’il puisse lui servir de pitance et être facilement mâché.”

“Si après la fin d’une ou de plusieurs années, il y avait des économies dans cette caisse, je désirerais qu’elle fussent employées à faire apprendre des métiers aux jeunes personnes de l’un ou l’autre sexe dans les deux communes qui en paraîtraient susceptibles.”

“Je ne terminerai pas cet intéressant article de mon testament sans ajouter une observation bien importante pour la santé des pauvres qui recevront des soupes tous les jours, pendant les temps rigoureux de l’hiver. Ces pauvres qui, dans ces temps désastreux qui les privent de travail, n’auront quelquefois que ces soupes pour alimenter pendant plusieurs semaines leur nombreuse famille et peut-être eux-mêmes. Il est donc toujours nécessaire, toujours urgent, de veiller à ce que dans la composition de ces soupes, il n’entre que des choses très substantielles et capables d’occuper des estomacs vigoureux que des légumes herbassés et même tous légumes frais tendraient à débiliter, c’est là le défaut des soupes économiques dites à la Rumford. Ces soupes, très économiques, il est vrai, par la quantité de légumes frais qu’on y emploie, conduiraient à des fièvres débilitantes si elles étaient longtemps continuées, pour toute nourriture. L’on évite cet inconvénient en n’employant que les légumes secs, la farine la plus fine et la plus exempte de son, le pain le plus blanc, et en mettant toutes ces choses savoureuses en quantité suffisante eut égard à la quantité d’eau, de sel et de condiment, pour qu’arrivée à une cuisson complète, cette soupe épaisse, mielleuse, odorante, satisfasse au besoin comme au goût de ceux qui la reçoivent. Les pommes de terre pourraient, si elles se trouvaient d’une qualité très farineuse et coupées en très petits morceaux, y être modérément employées, dans une très petite proportion, avec les autres légumes, mais le mieux est de n’employer que de bons et substantiels légumes secs.”

“J’ose espérer que messieurs les administrateurs des différents établissements de charité que j’ai fondés voudront bien accueillir avec indulgence et bonté, ainsi que les dames religieuses du Saint-Sacrement et les dames charitables, ces derniers voeux d’un vieillard qui consigne dans l’acte solennel de sa dernière volonté ce que son amour ardent pour les pauvres manoeuvres, ouvriers et artisans lui dicte à son heure suprême comme dans tous les instants de sa vie.”

Source : Archives municipales de Romans-sur-Isère – 70 S 114, Testament olographe de M. le comte Dedelay d’Agier, 12 août 1827.

Publié dans: 19è siècle, Personnalités

Publier un commentaire