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D’où vient le nom de “Jacquemart” ?

D'où vient le nom de "Jacquemart" ?Recherches historiques sur l’origine du nom de Jacquemart suivi d’une proposition personnelle pour la dite origine :

Un jacquemart désigne un automate de bois ou de métal représentant un personnage armé d’un marteau, qui frappe les heures sur le timbre ou la cloche d’une horloge placée à la partie supérieure d’un édifice, d’un beffroi ou d’une église. Ce mot est entré dans le langage commun comme l’atteste le Lexique de l’ancien français, de Frédéric Godefroy (H. Welter éditeur, Paris, 1901, page 292 – Source) qui fait référence en la matière. Frédéric Godefroy donne pour définition : heurtoir, marteau d’horloge.

A Romans-sur-Isère, on a aujourd’hui coutume de désigner l’automate par l’expression “bonhomme Jacquemart”. Probablement pour le différencier de la tour qui porte le même nom.

Cela n’a pas toujours été le cas et plusieurs documents d’archives montrent que l’automate romanais était premièrement appelé tout simplement “Jacquemart”, ainsi en 1431 (Archives municipales, DD 12), en 1536 (Archives municipales, DD 5), etc.

Mais d’où vient le nom de Jacquemart ?

Pour commencer, nous pouvons affirmer que ce mot n’a pas été inventé à Romans-sur-Isère.

En France, car il en existait déjà plusieurs en Europe, les horloges à automate marteleur précédant celle de notre cité se trouvaient au beffroi de Valenciennes, en 1377, et en l’église Notre-Dame de Dijon, en 1383, où l’automate, rapporté de Courtrai, en Belgique, après le pillage de la ville par les armées de Philippe le Hardi en 1382, était appelé “jaiquemar” (L’Illustre Jacquemart de Dijon, Gabriel Peignot, V. Lagier éditeur, Dijon, 1832 – Source).

L’étymologie du mot est, quant à elle, très disputée et je vais donc énumérer les différentes propositions existantes en les commentant (à Romans-sur-Isère, l’histoire locale n’a jamais mentionné toutes ces propositions pour n’en retenir que certaines) :

1.
Dans son Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes (Arnoud et Reinier Leers éditeurs, La Haye et Rotterdam, 1702, tome II, page 5 – Source), le lexicographe Antoine Furetière propose “qu’on l’a ainsi appelé du nom de l’ouvrier qui en a été inventeur, qui s’appelait Jacques Marc.”

On a effectivement cité un horloger du nom de Jacques Marc qui aurait exécuté l’horloge de Courtrai – celle qui fut pillée et transportée à Dijon – et d’un Jacquemart qui aurait réparé cette même horloge à Dijon, en 1422 (plusieurs références dont Bulletin de la Société d’émulation du Bourbonnais, Les Imprimeries réunies éditeur, volume 35, 1932, page 17 – Source).

Antoine Furetière ajoute : “Quand on dit “armé comme un Jacquemart”, cela vient de Jacques Marc de Bourbon, troisième fils de Jacques de Bourbon, connétable de France, sous le règne du roi Jean. C’était un seigneur fort brave et vaillant qui se trouva en toutes les occasions les plus dangereuses de guerre et de tournois. Dès lors, on appela Jacquemart tous ceux qu’on voyait armés de pied en cap.”

2.
Dans son Dictionnaire étymologique de la langue françoise (Briasson éditeur, Paris, nouvelle édition 1750, tome I, page 62 – Source), le grammairien Gilles Ménage propose que “Jacquemart a été fait du mot de jaque et de celui de maille, et qu’il a été dit originairement d’un homme armé de jaque-de-maille (jacomacchiardus).”

Ce vêtement, autrement appelé cotte de mailles, était aussi porté par les guetteurs d’où la proposition, les jacquemarts étant perchés en haut d’églises et beffrois.

3.
Dans Les rues de Romans, suivi de Fragments historiques (J. Céas et fils éditeurs, Valence, 1900, page 121 – Source), Ulysse Chevalier, historien local romanais écrit : “Jacquemart est évidemment un diminutif de Jacques-Marteau. Au Moyen Age, on donnait le nom dérisoire de Jacques Bonhomme, aujourd’hui synonyme de niais et fort, au paysan parce qu’il accomplissait avec résignation toute espèce de corvée.”

Avant lui, Gabriel Peignot, dans son Illustre Jacquemart de Dijon (V. Lagier éditeur, Dijon, 1832, page 21 – Source) mettait en doute cette hypothèse : “L’orthographe Jacquemart semblerait annoncer un diminutif de Jaque Marteau, martelant, frappant les heures, opinion plus subtile que fondée.”

Quant au nom de Jacques Bonhomme, il désignait l’ensemble des révoltés de la Grande Jacquerie de 1358 (Oeuvres de Froissart. Chroniques, Biblio éditeur, Osnabrück, 1867-1877, tome 6, pages 44 à 53 – Source). Les chroniques (1340-1368) de Jean de Venette précisent que ce sobriquet fut attribué par les nobles aux paysans, pour les tourner en ridicule.

4.
Un autre proposition fait emprunter le mot jacquemart de l’ancien provençal jacomart ou jaquomart (1472, d’après Paul Pansier), dérivé à l’aide du suffixe -art (ou -ard), de Jaqueme, forme provençale du prénom Jacques (Source).

Or, la chronologie historique, dans l’espace et dans le temps, tendrait à montrer que c’est l’inverse qui se serait produit et le provençal Jacqueme serait une altération de Jacquemart.

5.
Dans l’ouvrage de Claude Fauchet, intitulé Origine des chevaliers, armoiries et héraux, ensemble de l’ordonnance, armes et instruments desquels les François ont anciennement usé en leurs guerres (J. Périer éditeur, Paris, 1600, page 9 – Source), nous trouvons cette référence : “Mais pour que les chevaliers n’étoient pas employez aux guerres, afin de les entretenir en quelque exercice, les grands Roys et Seigneurs de marque, quelque fois publioient des assemblées d’armes appelez Tournois pour ce que les Chevaliers y coururent par tour, rompans premièrement leur bois et lances contre une Quintaine ou Jaquemar planté à terre, jusques à la hauteur d’un cheval, ayant sus un pan une statue d’homme couvert d’un escu, un bras estendu, avec une masse, estant cette statue appelée Jaquemar, plantée sur un pivot. De manière que le Chevalier heurtant de sa lance contre cet escu barré (pour retenir la lance) il falloit qu’il eut de l’adresse, s’il ne recevoit un coup de la masse.”

L’auteur ne date pas l’utilisation de ce terme mais cette référence est tout à fait passionnante car il est évident qu’il parle de l’origine des tournois et donc d’une période antérieure au XIVè siècle.

6.
Il se pourrait même que le nom de Jacquemart tirât ses origines de quelque terme étranger.

On trouvait ainsi des noms similaires pour désigner des automates et des hommes armés hors la France, par exemple : Jacks of the clock (Jacques de l’horloge) ou Jacks in armour (Jacques en armure) en Angleterre (Journal of the British Archaeological Association, 1869, page 280 – Source), des Djakemar en Suisse (Glossaire du patois de la Suisse romande, Louis Favrat, 1866, page 114 – Source).

Conclusion :

Bien entendu, nous ne pouvons pas, ici, donner une origine certaine du nom de Jacquemart. Mais suite à ces recherches historiques, nous pouvons formuler l’hypothèse suivante :

Sachant qu’il y avait, anciennement, des guetteurs qui se tenaient dans le beffroi des villes pour annoncer, par le son d’une cloche, l’arrivée d’une troupe ennemie, un incendie, etc.

Sachant qu’on appelait Jacquemart la représentation (quintaine utilisée lors des tournois, statue) d’un homme en armes ou d’un homme vêtu d’une jacque de maille (cotte de maille).

Considérant que, vu d’en bas, la silhouette d’un automate, quel que soit son uniforme, placé en haut d’un beffroi, d’un clocher ou d’une tour devait rappeler celle des guetteurs.

Il est possible que nos ancêtres aient donné le nom de Jacquemart à leurs automates par simple analogie visuelle.

Bien entendu, il ne s’agit là que d’une proposition personnelle et le débat reste ouvert.

1 Comment on "D’où vient le nom de “Jacquemart” ?"

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  1. lavergne dit :

    Bonjour et re salut,

    J’ai longtemps cru à un fonctionnaire d’état du type militaire à la retraite au 17ème qui (le premier sonneur) s’appellant jacques et frappant les heures(pas sûr mais plutôt un feux qui se déclare ou autre manifestation et catastrophe) avec un marteau avait été baptisé jacquemart ! Bon ……….la première version que tu proposes me semble judicieuse (l’horloger) aussi. le problème étant l’habit de fonctionnaire de la république . Je pense que si l’on réuni toutes les explications il doit yavoir un peu de vrai partout et surtout tous les historiens au fil des siecles voulant avoir le fin mot nous ne sommes pas sorti du cachot de la tour de garde des remparts de Romans .Amitiés GL

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