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Rose Philippine Duchesne, fondatrice de la Société du Sacré-Coeur de Jésus en Amérique

Rose Philippine Duchesne, fondatrice de la Société du Sacré-Coeur de Jésus en AmériqueLes Duchesne, établis originairement à Romans, y avaient acquis une notoriété commerciale par les produits textiles qu’ils expédiaient en France et dans les colonies.

C’était une famille chrétienne où la piété florissait traditionnellement, comme on peut en juger par le grand nombre de religieuses que, jusqu’à l’époque de la Révolution, elle ne cessa de donner au couvent de la Visitation de cette ville. On y trouve, en 1770, une jeune fille, Marie Fortunée Duchesne, mourant à vingt-huit ans dans la paix du Seigneur. Une autre demoiselle Duchesne, encore pensionnaire dans le même couvent, se sentant près de mourir dans sa treizième année, avait obtenu de recevoir l’habit et de prononcer ses voeux le jour même de sa première communion. Témoin de ce spectacle, sa soeur Claire Julie entra dans ce monastère qu’elle gouverna longtemps.

Antoine Duchesne, négociant à Romans, avait eu de son mariage avec Marie Louise Enfantin deux fils, dont l’un suivit la carrière de son père et dont l’autre, Pierre François, entra comme avocat au parlement de Grenoble. Il se fixa dès lors dans cette ville où son talent lui valut une alliance riche et distinguée. Il épousa Rose Euphrosine Périer qui lui apporta, somme rare à cette époque, une dot de cent mille francs.

De cette union, vint au monde Rose Philippine Duchesne, le soir du 29 août 1769.

On lui donna pour parrain un de ses oncles maternels, Jean Antoine Périer, et pour marraine sa grand-mère Elisabeth Dupuis. Le baptême fut célébré dans l’église Saint-Louis de Grenoble, le 8 septembre, fête de la Nativité de la sainte Vierge.

C’est dès son enfance que se révéla son amour pour les malheureux. Elle accueillait généreusement les mendiants qui se présentaient à la porte de son père. Elle se dépouillait pour eux de ce qu’elle possédait, leur distribuant aussitôt l’argent que ses parents mettaient à sa disposition. Mais bientôt, Philippine entre au pensionnat de l’ordre de la Visitation de Grenoble, dans le monastère de Sainte-Marie-d’en-Haut.

A douze ans, elle eut le bonheur de faire sa première communion. Cette époque, où Jésus-Christ se donna tout à elle, fut celle où elle sentit s’éveiller le besoin de se donner toute à Lui. Ses parents, informés des tendances de leur fille vers l’état religieux, résolurent d’y couper court en la retirant du monastère pour la reprendre chez eux. La jeune fille se tut, se soumit et rentra au foyer paternel. Elle comptait sur le temps, sa ferme résolution et la grâce de Dieu.

A l’âge de dix sept-ans, elle pria sa tante, qui était aussi sa principale confidente, de la conduire à Sainte-Marie-d’en-Haut. Une fois dans la maison, elle déclara à sa tante qu’elle n’en sortirait plus et celle-ci eut beau faire, il lui fallut la laisser là et redescendre seule avec la cruelle mission d’annoncer à la mère la détermination de sa fille.

La Révolution disperse le couvent et Philippine se voit forcée de déposer l’habit de la Visitation pour suivre sa famille dans le domaine patrimonial de Grane, près de Crest. Dans le même temps, une de ses proches cousines, Marie Julie Tranchant, religieuse visitandine du monastère de Romans, venait pareillement y chercher un refuge.

Philippine se rendit ensuite à Romans pour tenir compagnie et assister sa grand-mère puis retourna à Grenoble pour se dévouer aux prêtres prisonniers, aux malades et à l’instruction des enfants délaissés.

Le 10 décembre 1801, le monastère de Sainte-Marie lui est adjugé moyennant huit cents francs de loyer et les frais de réparations. Et, le jour de Noël, alors que le froid était très vif, elle prit l’habit religieux en présence de quelques soeurs qui lui étaient fidèles.

Philippine rejoint ensuite la Société du Sacré-Coeur de Jésus et, le 17 mai 1817, elle obtient l’autorisation de partir pour la Louisiane. Elle écrit à sa famille : “J’ai vu à Paris l’évêque de la Louisiane et c’est dans son diocèse que j’irai travailler à l’instruction des sauvages et former, avec des compagnes, une maison de notre Société.”

Ce fut le 19 mars 1818, que Philippine et ses soeurs montèrent à bord du vaisseau voilier La Rébecca qui quitta le port de Bordeaux deux jours plus tard. Le 25 mai, le navire entra dans les eaux bourbeuses du Mississippi et Philippine mit pied à terre, à la Nouvelle-Orléans, le 29. En compagnie de ses soeurs, elle prit domicile dans une maison d’Ursulines et dans les semaines suivantes, elles remontèrent le Mississippi jusqu’à Saint-Louis.

C’est tout près de là, à Saint-Charles, que Philippine fonda la première maison de la Société du Sacré-Coeur de Jésus. La population ne dépassait pas cinq cents familles campées, plutôt que fixées, dans des cabanes de bois, à l’extrême limite du bateau à vapeur, en face de la tribu sauvage des Sioux.

Les années suivantes, elle fonda d’autres maisons, à Florissant dans le Missouri, à Grand Coteau en Louisiane, à la Nouvelle-Orléans en Louisiane, à Saint-Louis dans le Missouri et à Saint-Michael en Louisiane.

Malade, elle retourna à Saint-Charles et expira entre les bras de la soeur infirmière, le 18 novembre 1852, dans la quatre-vingt-quatrième année de son âge, la quarante-septième année de sa profession religieuse et la trente-quatrième année de son séjour en Amérique. Son corps fut exposé dans sa petite chambre où ses soeurs purent venir l’une après l’autre admirer ce visage empreint d’une sérénité céleste. Un grand nombre de prêtres, de religieux, de laïques, même de protestants, assistèrent à ses obsèques qui furent solennelles.

On déposa son corps dans une enceinte préparée au milieu du jardin. Il y avait plus de trois ans qu’elle y reposait lorsque la supérieure de la maison de Saint-Charles, ayant bâti un oratoire dans une autre partie de ce même enclos, voulut que la dépouille de Philippine y fut transportée. Ce fut le 22 octobre 1855 qu’eut lieu l’exhumation. Comme le corps, reposant dans un cercueil en planches, avait été enterré dans un sol humide et naturellement corrosif, on s’attendait à n’y trouver, après un si long temps, que de la poussière et des os. Aussi, combien grande fut l’admiration de toute l’assistance quand, à l’ouverture de cette tombe, elle apparut parfaitement conservée et sans aucune odeur.

Elle fut béatifiée par Pie XII, le 12 mai 1940, et canonisée par Jean-Paul II, le 3 juillet 1988.

Sainte Rose Philippine Duchesne est très populaire dans le Mid-Ouest américain.

Sources : Archives municipales de Romans-sur-Isère – Histoire de Mme Duchesne, religieuse de la Société du Sacré-Coeur de Jésus et fondatrice des premières maisons de cette société en Amérique, Abbé Baunard, Librairie Poussielgue Frères, Paris, 1878.

3 Comments on "Rose Philippine Duchesne, fondatrice de la Société du Sacré-Coeur de Jésus en Amérique"

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  1. Jean-Yves dit :

    Oui, l’avenue porte le nom de cette famille mais je ne sais pas si c’est en hommage à toute la famille ou à une personne en particulier.

  2. Bourgne Daniel dit :

    Il y a à l’ouest de Romans une avenue Duchesne. Cette dénomination a elle un rapport avec cette famille ?

  3. robert dit :

    Interessant. J’ai – en ce qui me concerne – un ancêtre Mathieu Duchesme, “du lieu du grand lombard, paroisse de Chavanay” (Loire), et qui s’y est marié en 1608…

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