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Objets d’archives – Les menottes de Berruyer, Chauffeur de la Drôme

Entre 1905 et 1908, les Chauffeurs de la Drôme ont terrorisé les habitants du département et commis de nombreux crimes abominables. Pour forcer leurs victimes à désigner l’endroit où elles cachaient leurs économies, ils n’hésitaient pas à leur brûler les pieds dans les braises de la cheminée, d’où leur surnom de “chauffeurs”. Ils furent condamnés à mort et guillotinés en public, le matin du 22 septembre 1909, face à l’entrée de la prison de Valence.

Il serait excessif de prétendre que Pierre Louis Auguste Berruyer aurait été un honnête homme s’il n’avait eu le malheur de fréquenter Lamarque et Liotard mais il est permis de penser qu’il ne serait pas descendu jusqu’au crime. Né à Margès, le 25 août 1873, d’une famille comptant onze enfants et vivant dans une chaumière au milieu des bois de Mme Monier de la Sizeranne, châtelaine de l’endroit, son père doit nourrir tout ce monde avec de misérables journées. Berruyer travaille comme valet de ferme en Isère puis il n’accomplit qu’une année de service militaire, favorisé par un bon tirage au sort, et retourne à Margès où il se livre aux travaux agricoles. Marié à Saint-Lattier avec Adrienne Gabrielle Bret, il demande une concession en Algérie et, ne recevant pas de réponse du Gouverneur Général, il s’embarque un beau matin mais n’ayant pas les 5 000 francs d’avance exigés de tout colon, il doit cultiver la vigne pour vivre. Il rentre en France au bout de cinq mois. Cloueur en chaussures à Saint-Donat, il essaye ensuite d’exploiter une ferme à Saint-Paul-lès-Romans, sans succès.

En novembre 1906, il vient habiter à Romans, au 26 rue Pêcherie, dans une maison qui ne tarde pas à être fréquentée par un certain Urbain Célestin Liottard avec qui il se lie d’amitié. Quelques temps après, il fait la connaissance de Jean Lamarque sur la place d’Armes et ce dernier lui présente Octave Louis David. La bande est formée et a pour repaire la maison de la rue Pêcherie qui avait l’avantage d’offrir plusieurs issues à l’arrière, côte du Crotton, en passant au premier étage par un escalier intérieur en bois.

Entre trois ans, ils commettent au moins dix assassinats, trois tentatives d’assassinat et huit cambriolages et agressions, tout cela à Romans et alentours.

Le 22 octobre 1908, Berruyer est arrêté à son domicile de la rue Pêcherie par les gendarmes Nicoli et Borel, et la perquisition permet la découverte de nombreux objets volés. Les chaînes, cadenas et clef de menottes que nous présentons et qui sont conservés aux Archives communales de Romans sont le don du fils du gendarme Nicoli.

Ses complices sont pris peu après, le procès débute devant la Cour d’Assises de Valence, le 2 juillet 1909, et ils sont guillotinés devant la porte de la prison de Valence, le 22 septembre 1909. Les corps ne seront pas réclamés par leurs familles comme l’atteste, entre autre, la déclaration de l’épouse de Berruyer : “Je soussignée, Bret Adrienne, épouse Berruyer, déclare que, n’ayant pas les moyens de supporter les frais d’inhumation de mon mari, après son exécution, j’abandonne le projet que j’avais formé d’entrer en possession de son corps.”

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Petites phrases de Berruyer lors du procès : “Je ne mange pas le pain de l’assassinat”, “Je suis toujours été trop bon”, “Le chien du curé faisait trop de bruit et Liottard n’aime pas les chiens”, “Les autres ont voulu me mêler à toutes leurs histoires parce que j’étais du pays mais je n’y suis pour rien”, “Je n’ai rien fait pour mériter le déshonneur d’être ici”, “Je ne verrai plus mes gosses, il vaudrait mieux que je ne sois pas né que de subir ce supplice”, “Je mériterais les travaux forcés mais pas ça”. Puis, devant la guillotine, ses yeux hagards cherchant le Procureur de la République : “M. le Procureur… mes enfants !”

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