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Les droits d’auteurs se paient d’avance

Les droits d'auteurs se paient d'avanceAu début du XXè siècle, on ne parlait pas encore de “piratage” ou “pillage” des oeuvres musicales. Pourtant, les auteurs, compositeurs et interprètes étaient déjà soucieux de leurs intérêts.

Le 9 juillet 1913, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique adresse un courrier au maire de Romans-sur-Isère : “La Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique s’est émue de ce que, depuis quelques années, certaines municipalités organisent, soit pour la fête de la commune, soit pour le 14 juillet, ou dans toute autre circonstance, des auditions musicales, notamment des bals gratuits ou payants, au cours desquels des oeuvres du répertoire de ses membres sont exécutées, sans que le consentement préalable formel et par écrit des auteurs ait été obtenu conformément à la loi.

J’ai donc l’honneur, Monsieur le Maire, de vous rappeler qu’aux termes des lois des 13-19 janvier, 19 juillet et 6 août 1791, et 14 juillet 1866, et de l’article 428 du Code Pénal, nul n’a le droit de se servir des oeuvres appartenant aux auteurs sans avoir obtenu le consentement de ceux-ci ou de leurs ayants-droit, consentement qui est accordé moyennant le paiement de certaines sommes variant suivant l’importance des localités et le nombre des exécutions.

Une circulaire de Monsieur le Préfet de la Drôme en date du 2 juin 1897 que vous avez reçue en temps et lieu, vous confirme, du reste, ce qui vous est exposé ci-dessus.”

Cette circulaire rappelait qu’il appartient aux maires d’informer les directeurs de théâtres, de cirques, de spectacles forains, de manèges, de cafés concerts, permanents ou accidentels, de bals publics ou par souscription, de courses, de sociétés musicales, de concours municipaux, de fêtes locales, de fêtes de bienfaisance, de fêtes nationales, en un mot de toutes entreprises et de toutes séances, même gratuites, où sont exécutées des oeuvres non tombées dans le domaine public, qu’ils doivent obtenir l’autorisation nécessaire et payer les droits d’auteurs.

Il est toutefois rappelé qu’en ce qui concerne les auditions musicales gratuites données par les Sociétés chorales et instrumentales, le Syndicat de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique a consenti, à partir du 1er janvier 1895, des conditions avantageuses.

Les conditions des autorisations dressées par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique sont très précises, comme le montrent celles du 1er avril 1923 au 31 mars 1928 adressée à M. Jules Nadi, maire de Romans-sur-Isère et président des Oeuvres municipales :

“Paiement à forfait d’avance d’un droit de cent cinquante francs (environ 144 € actuels) pour l’organisation de concerts ou bals dans un local municipal, au nombre maximum de dix par année.

D’un droit forfaitaire de vingt francs (environ 19 € actuels) pour chaque séance supplémentaire à la condition expresse de fournir les programmes exacts et certifiés sincères des oeuvres exécutées.

Toute année commencée est due en entier.

Un droit, à forfait, de deux pour cent sur la recette brute, avec un minimum forfaitaire de dix francs (environ 9,50 € actuels) par chaque représentation de pièce en un acte appartenant au répertoire social.

L’autorisation accordée par les présentes est personnelle et ne peut en aucun cas être cédée.

Les programmes devront être établis par séance, au jour le jour. Ils devront comporter le nom de l’auteur, celui du compositeur et celui de l’arrangeur s’il y a lieu, pour chaque oeuvre, et devront être certifiés sincères par l’organisateur. Pour chaque erreur constatée dans l’établissement des programmes, M. Jules Nadi sera passible d’une amende de dix francs (environ 9,50 € actuels) à titres de dommages et intérêts.”

Pour la période du 1er avril 1928 au 31 mars 1929, la municipalité paiera :

– D’avance un droit à forfait de cinq cents francs (environ 286 € actuels) pour l’organisation de concerts populaires ou de bienfaisance, avec entrées gratuites ou payantes de un franc (environ 0,57 € actuels) au maximum, au nombre maximum de dix séances par année, concernant les Oeuvres suivantes : Société de Gymnastique l’Avenir, La Goutte de Lait, Sou des Ecoles Laîques et Cantines Scolaires, Dispensaire d’Hygiène Sociale et le Patronage Jean Jaurès.

– Un droit de soixante francs (environ 34 € actuels) pour chaque séance supplémentaire de même nature.

– Un droit de 6% sur les recettes avec un minimum de soixante francs pour chaque concert, bal ou kermesse, organisé avec un prix d’entrée supérieur à un franc, soit par la municipalité ou par des tiers, dans un local ou emplacement appartenant au bénéficiaire du présent contrat. Même minimum pour chaque séance gratuite.

– Un droit de 2% avec un minimum de dix francs pour chaque pièce en un acte appartenant au répertoire social.

Ce recul historique montre que l’inquiétude des auteurs, compositeurs et interprètes face à la multiplication des moyens de diffusion et de copie des oeuvres musicales ne date pas d’aujourd’hui.

Sources : Archives municipales de Romans-sur-Isère, Série R – Enseignement, Action culturelle, Sports, Tourisme – 3 R 15 – Société des Auteurs

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