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Un missel de Saint-Barnard du XIVe siècle à vendre !

Tout donne le vertige dans cette histoire : l’ancienneté, l’extrême rareté et le prix.

Le marchand Suisse d’ouvrages anciens Dr. Jörn Günther Rare Books AG a mis en vente un missel à l’usage de l’église collégiale Saint-Barnard datant des années 1380-1390. Pour rappel, un missel est un livre liturgique dans lequel on trouve tous les textes nécessaires à la célébration de la messe.

Cet ouvrage enluminé et historié sur vélin, composé de 83 feuillets (il est malheureusement incomplet) et mesurant 320×250 mm, a été fait pour l’église collégiale Saint-Barnard de Romans, ville en pleine croissance à cette époque, et est attribué à Jean de Toulouse, enlumineur connu pour avoir travaillé au Palais des papes d’Avignon dans les années 1380-1415. Il était particulièrement doué pour assembler les talents et techniques de plusieurs collaborateurs en une harmonieuse œuvre d’art. Nous savons qu’en 1393, il a supervisé le travail de seize personnes pour produire un grand nombre de missels pour le pape Clément VII.

Ce manuscrit fait la démonstration du style de Jean de Toulouse pour au moins quatre ou cinq des initiales historiées mais sa paternité concernant la pleine page du Christ en Majesté reste à discuter.

Sur le feuillet 65 verso, les remarquables enluminures font en particulier référence à saint Séverin, saint Exupère et saint Félicien, martyrs de Vienne, en Dauphiné, dont l’archevêque Barnard avait transporté les reliques dans le monastère bénédictin qu’il venait de fonder sur les bords de l’Isère, vers l’an 838.

Le commanditaire possible – mais hypothétique – d’un missel d’une telle qualité serait un des chanoines de Saint-Barnard, Henri de Sévery, ami personnel du pape Clément VII et qui connaissait la route d’Avignon. Henri de Sévery a commencé sa carrière ecclésiastique dans l’abbaye de Romainmôtier (Vaud, Suisse) puis est devenu chanoine et prieur de l’église collégiale Saint-Barnard à Romans, avant d’être élu deux fois évêque, d’abord à Saint-Jean-de-Maurienne en 1381 puis à Rodez en 1385.

Les élégantes figures montrent des contours décoratifs et des formes typiques de l’enluminure Française tandis que la douceur des visages et la fluidité des draperies donnent un excellent exemple du style gothique international, aussi appelé “style doux”, que l’on retrouve à travers l’ensemble de l’Europe à la fin du XIVe siècle. Sept autres initiales historiées – dont celle consacrée à saint Séverin, saint Exupère et saint Félicien – ont été réalisées par un ou deux autres artistes qui préféraient peindre des figures élancées à petite tête, et avec des draperies un peu plus prononcées rappelant des exemples Italiens.

Comme ils étaient utilisés journellement, les missels médiévaux qui sont parvenus jusqu’à nous sont très rares, souvent incomplets et montrent habituellement des signes d’une intense utilisation. La reliure n’est pas d’origine mais est tout de même médiévale et datée du XVe siècle. Le copiste a signé P. le Poys et nous n’avons aucune information à son sujet, à ce jour.

Le prix de ce codex exceptionnel est de 265 000 € hors taxes. Avis aux très riches amateurs !

Jean-Yves Baxter (la signature est indispensable car c’est une exclusivité, merci)

Nous avons contacté le vendeur qui nous a donné autorisation de publier cet article et d’utiliser ces reproductions de feuillets.

Adresse de la vente du missel : https://guenther-rarebooks.com/artworks/9596-jean-de-toulouse-workshop-missale-for-the-collegiate-church-of-st.-barnard-1380-1390/

L’info en +

Les Trois Doms

Nous connaissons bien les Trois Doms à Romans. Dans la chapelle du Saint-Sacrement de la collégiale Saint-Barnard, ces trois saints martyrs de Vienne, en Dauphiné, dénommés Séverin, Exupère et Félicien, sont représentés sur une fresque unique et remarquable, de façon anachronique, devant le Palais des papes d’Avignon. Lorsque l’archevêque Barnard est venu sur les bords de l’Isère, à l’emplacement de l’actuelle collégiale, pour fonder un monastère bénédictin vers l’an 838, il y avait fait transporter les reliques des Trois Doms qu’il vénérait. Les 27, 28 et 29 mai 1509, aux fêtes de Pentecôte, après un terrible épisode de peste, une pièce appelée « Mystère des Trois Doms » fut jouée dans la cour du couvent des Cordeliers, sur un grand théâtre orné avec tout le luxe du siècle, en action de grâce aux trois saints patrons de la ville. La pièce, divisée en trois journées, comprenait 3 000 vers et 92 personnages joués par les habitants eux-mêmes. On estime à près de 14 000 le nombre de spectateurs sur les trois jours dans une ville qui en comptait alors un peu plus de 4 000.

Cet article de Romans Historique est aussi paru dans le Dauphiné Libéré : https://www.ledauphine.com/culture-loisirs/2020/11/21/un-missel-de-saint-barnard-du-xive-siecle-a-vendre

Publié dans: Moyen-Age, Patrimoine, Religion

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