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Après la Révolution, émigration, condamnation et exécution de noble Charles d’Abzac

Après la Révolution, émigration, condamnation et exécution de noble Charles d'AbzacOriginaire d’une famille noble de la Dordogne, Jean Baptiste Charles d’Abzac est né le 9 janvier 1754 au château de Cazenac, à Bigaroque (aujourd’hui Coux-et-Bigaroque), de Marc d’Abzac, écuyer, seigneur de Bigaroque, Cazenac et autres lieux, et de Magdelaine de Laval. Il a été baptisé le même jour en la paroisse Saint-Pierre de Cabans (aujourd’hui Le Buisson-de-Cadouin).

Le 11 octobre 1790, alors qu’il tient garnison à Romans, il épouse, en la paroisse Saint-Barnard, Marie Victoire Allier, née dans cette ville le 15 janvier 1771, fille de Pierre Georges Allier, marchand et propriétaire à Romans, et de Jeanne Catherine Blain.

Ils auront deux enfants :

– Rose Louise Charlotte Gabrielle dite Adeline, baptisée le 31 août 1791 en la paroisse Saint-Barnard de Romans, mariée le 19 avril 1818, dans la même ville, avec Frédéric Louis Maxime de Chevalier, comte de Sinard, capitaine dans le premier régiment de Prusse au service de la France, chevalier de l’Ordre Royal et Militaire de Saint-Louis, né vers 1777 à Grenoble, de Jacques François de Chevalier de Sinard, conseiller au Parlement, et de Victoire Suzanne Marguerite Charlotte de Plan

– Jeannette Victorine Cécile Hortense dite Julie, née le 16 août 1792 à Romans, baptisée le lendemain en la paroisse Saint-Barnard, mariée le 1er décembre 1810, dans la même ville, avec Ferdinand Marie Camille du Vivier, chef de bataillon, membre de la Légion d’Honneur, né le 14 décembre 1760 à Romans, de Ferdinand Bruno du Vivier de Fay Solignac, chevalier, seigneur de Barnave, Pennes, Veaunes et autres places, et de Marie Françoise de Boissac. Julie d’Abzac mourra le 4 décembre 1876, à Paris.

Dès le lendemain de la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, près de 150 000 personnes, la plupart nobles, riches bourgeois et prélats, quittent le territoire français. Certains de ces émigrés, comme on les nomme historiquement, partaient combattre la Révolution de l’extérieur, d’autres se soustrayaient à ses rigueurs.

Charles d’Abzac avait donné sa démission de capitaine au régiment des Chasseurs Royaux du Dauphiné au mois de juin ou juillet 1792, pour ne pas servir le nouveau régime.

Puis, sous prétexte d’aller prendre les eaux d’Aix en Savoie et alors que son épouse est enceinte de leur deuxième enfant, il quitte la France et va rejoindre les émigrés. Les lettres écrites par lui à sa femme et datées de Bâle et d’Offengourg ne laissent aucun doute à ce sujet.

Il n’émigre, comme il le dit lui-même, que pour obéir au point d’honneur. Mais, en présence des difficultés et des misères de toute nature avec lesquelles il se trouve aux prises, il ne tarde pas à exprimer de vifs regrets et à promettre de rentrer promptement dans ses foyers.

Ses lettres respirent le plus pur et le plus ardent amour pour sa femme.

“Ah ! ma bien aimée,” écrit-il d’Offenbourg le 13 août 1792, “que je crains d’avoir infiniment à me repentir du parti que j’ai pris ! Je ne vois rien jusqu’ici qui le justifie. Rien ne m’annonce une fin prochaine… Possédant une mauvaise santé, l’honneur ni le devoir dans une pareille position ne commandant point impérieusement d’abandonner tout ce qu’on a de plus cher dans le monde, lorsqu’on a surtout rempli le premier des devoirs, et j’étais dans ce cas-là, puisque je m’étais démis. On avait déjà parlé de moi dans ce pays-ci et on se tenait bien assuré de ma noble et loyale façon de penser. J’assure que si d’ici à la fin d’octobre les choses ne sont pas plus avancées que dans ce moment, je reviens sur mes pas et, t’ayant rejoint, je ne te quitte plus de ma vie, quelle chose qu’il puisse arriver.”

“Il est bien essentiel,” dit-il dans une lettre du 16 août, “de cacher mon voyage dans ce pays-ci, autant qu’il sera possible. Il faut en conséquence que par intervalle tu m’écrives toujours à Aix, poste restante, des lettres en blanc, pourvu seulement qu’il y ait l’adresse. Celles que tu voudras qui me parviennent, prie Mme P. de les joindre à son paquet. J’espère que par ta première tu m’annonceras tes heureuses couches et la naissance d’un joli petit garçon. Faut-il que je sois privé du plaisir de le recevoir en venant au monde ? Que je puisse avoir au moins un jour la satisfaction de le serrer dans mes bras ! Hélas, peut-être jamais je ne l’aurai. Prends bien soin des chers enfants, ma tendre amie. Puissent-ils être ta consolation et te dédommager de l’absence de leur malheureux père ! Embrasse bien ma pauvre petite. Mon Dieu, qu’il m’en coûte de ne plus la voir ! Je l’ai continuellement présente. Il me semble qu’elle me tend toujours sa petite main pour me la donner à baiser. Et moi, faible et crédule, j’ai pu m’arracher à ces plaisirs pour suivre un torrent auquel des milliers de personnes, sans plus réfléchir que moi, se sont abandonnés. Hélas, j’ai toujours été sans ambition, et je pouvais n’en avoir jamais d’autre que d’être toujours aimé de ma tendre amie, passer le reste de ma vie avec elle, occupés de bien élever nos chers enfants. Adieu, moitié de moi-même ; ne m’oublie jamais ; ménage ta santé ; et, si Dieu me conserve la vie, compte sur mon prochain retour.”

Charles d’Abzac rentre sur le territoire français à une date qui ne peut être exactement précisée, en novembre ou en décembre 1792. Il réside successivement à Lyon, à Vienne, à Belvès, où il est mis en prison pendant plusieurs jours, “sans autre motif que celui pris de ce qu’il est de la caste nobiliaire”, puis à Bordeaux et enfin à Montagnac où il est arrêté vers le 10 décembre 1793 chez un de ses amis, Boursolles-Coustin, qui lui a donné asile.

On ne tarde pas à s’apercevoir qu’il est porté sur la liste générale des émigrés et on le renvoie devant le tribunal criminel du Lot-et-Garonne.

A l’audience du 9 février 1794, d’Abzac fait plaider qu’il n’a pu être valablement compris sur la liste des émigrés par le département de la Drôme parce qu’il ne possède pas de biens et qu’il n’a jamais été domicilié dans ce département. Il demande en conséquence qu’il lui soit accordé un délai convenable pour justifier sa résidence sans interruption en France depuis le 9 mai 1792.

Mais l’administration de la Drôme rejette les exceptions qui lui sont soumises et joint au dossier les lettres écrites par d’Abzac à sa femme “desquelles il résulte que, sous prétexte d’aller prendre les bains à Aix, il est allé joindre les émigrés à Offenbourg et n’est rentré en France qu’après que les événements survenus à Paris le 10 du mois d’août ne lui ont plus permis de douter que la cause des rebelles ne fût désespérée.”

Ramené devant le tribunal criminel du Lot-et-Garonne, il dénie l’écriture des lettres qu’on lui attribue. Une expertise écarte ses dénégations et entraîne sa condamnation.

Le même jour, 16 avril 1794, d’Abzac est exécuté sur la place publique d’Agen.

Marie Victoire Allier a-t’elle manoeuvré pour cacher la cause de la mort de Charles d’Abzac à ses filles ? On peut se poser la question à la lecture de leurs actes de mariage respectifs :

– L’acte de mariage de Julie d’Abzac mentionne que “Charles d’Abzac est décédé à Sedan, le 13 février 1793, comme il est constaté par l’acte de décès délivré à mademoiselle d’Abzac.”

– L’acte de mariage d’Adeline d’Abzac mentionne que “la demoiselle d’Abzac a déclaré avec serment, la main levée à la manière accoutumée, que le lieu de décès et celui du dernier domicile de son père lui sont inconnus.”

Marie Victoire Allier épousera en secondes noces, le 9 novembre 1801, à Romans, François Antoine Deloulle, propriétaire, conseiller au Parlement de Grenoble, né le 25 février 1734 à Grenoble, de Philippe Deloulle et de Anne Bonnot de Mably. De 37 ans son aîné, François Antoine meurt le 18 novembre 1817, à Romans.

Marie Victoire Allier meurt le 5 février 1852 à Romans.

Sources : Archives municipales de Romans-sur-Isère – GG 17, Registres paroissiaux, Saint-Nicolas, 1751-1775 – GG 33, Registres paroissiaux, Saint-Barnard, 1769-1777 – GG 34, Registres paroissiaux, Saint-Barnard, 1778-1792 – E 10, Registres d’état civil, naissances, 1792-1793 – E 19, Registres d’état civil, mariages, 1801-1802 – E 27, Registres d’état civil, mariages, 1810-1810 – E 34, Registres d’état civil, décès, 1817-1817 – E 35, Registres d’état civil, mariages, 1818-1818 – E 69, Registres d’état civil, décès, 1852-1852 – Archives municipales de Paris, V4E 4785, Registres d’état civil, décès, 1876-1876 – Archives départementales de la Dordogne, 5 MI 44607, Registres paroissiaux, Cabans, 1747-1772 – La Révolution Française, F.-A. Aulard, Tome 24, Société de l’Histoire de la Révolution, Paris, 1893 – Dictionnaire des individus envoyés à la mort pendant la Révolution, L. Prudhomme, Paris, 1796 – Illustration : Neuf émigrés à la guillotine, Imprimerie des Révolutions, Paris, Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie

1 Comment on "Après la Révolution, émigration, condamnation et exécution de noble Charles d’Abzac"

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  1. Armand dit :

    Bonjour,
    Une belle surprise de lire à nouveau quelques lignes de Charles d’Abzac.
    Charles d’Abzac portait une boucle d’oreille, je cherche en vain une explication?

    Merci pour vos publication,

    Raphaël ARMAND (né en 1972), descendant des “Chevallier De SINARD”

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