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Le monastère de Sainte-Ursule de Romans

Chapitre IV

Révolution Française et suppression du monastère de Sainte-Ursule de Romans.

L’Assemblée nationale constituante, par décret du 2 novembre 1789, mit les biens de l’Église, dont ceux des congrégations, à la disposition de la Nation.

Le 12 décembre 1789, les officiers municipaux de la ville de Romans représentèrent avoir reçu le décret de l’Assemblée nationale du 13 novembre, portant que les titulaires de bénéfices et tous supérieurs de maisons et établissements ecclésiastiques seraient tenus de faire, dans les deux mois, la déclaration de tous les biens dépendants des dits bénéfices.

Le 21 mars 1790, Jean du Port Roux, procureur du roi et maire de Romans, représenta que l’Assemblée nationale avait décrété, le 13 février précédent, que les ordres et congrégations dans lesquels on fait des voeux monastiques solennels, seraient et demeureraient supprimés en France.

Le 8 avril suivant, il représenta que “pour donner des preuves du zèle et de l’empressement de la Municipalité de la ville de Romans à concourir au bien de l’état et surtout, à l’importante affaire de la restauration des finances”, il conviendrait d’acheter tous les biens ecclésiastiques qui sont dans cette ville. C’est pourquoi il proposa de s’adresser à Messieurs du Comité pour l’aliénation des biens domaniaux et ecclésiastiques, et d’offrir de faire l’acquisition des biens des Cordeliers et Récollets, et de ceux des quatre communautés de filles de la ville, savoir Sainte-Marie, Saint-Just, Sainte-Ursule et Sainte-Claire.

Le 11 juin, l’Assemblée communale précisa le choix des domaines dépendants des religieuses de Sainte-Ursule dont elle demandait l’acquisition :

1° Le domaine de Chanteloube, situé au territoire d’Alixan,
2° Le domaine de Servonnet, situé dans le territoire de la municipalité de Clérieux, district de Romans, canton du dit Clérieux,
3° Le domaine de Charbesse, situé au territoire de la municipalité de Peyrins, district et canton du dit Peyrins,
4° Le domaine de Chalaire, situé au dit lieu de Peyrins,
5° Le petit domaine appelé Racamey, situé au territoire de la municipalité de Clérieux, district de Romans, canton du dit Clérieux.

Lors de la célébration de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790, un défilé parcouru les rues de la ville et, en haut de la montée des Cordeliers, passa sous un arc de triomphe élevé en face de l’église des religieuses de Sainte-Ursule. Dans le milieu de cet arc était inscrit “Fidélité au roi”, sur les côtés “Au roi citoyen” et “Au meilleur des rois”, dans le milieu et sur les côtés de l’autre face “Vive le roi”, “Restaurateur de la liberté française” et “Digne successeur de Henri IV”.

Au Conseil municipal du 5 septembre 1790, le maire de Romans revint sur les soumissions faites pour l’acquisition du bien appartenant aux dames de la congrégation de Sainte-Ursule et observa que par le titre d’institution de ces soeurs religieuses, elles étaient chargées d’instruire et de former toutes les jeunes filles à la religion et aux bonnes moeurs, et de leur enseigner à lire, à écrire et à faire d’autres ouvrages. Rappelant que ces dames avaient toujours parfaitement rempli l’objet de leur institution, que l’éducation que l’on recevait dans leur maison était conduite avec intelligence et zèle, et qu’elles avaient toujours eu des classes séparées pour enseigner la doctrine chrétienne et pour apprendre à lire aux filles du peuple, il présenta que la maison des soeurs de Sainte-Ursule était un vrai collège pour l’éducation des filles et que conformément au décret de l’Assemblée nationale du 13 février déclarant qu’il ne serait rien changé à l’égard des maisons chargées de l’éducation publique, elles devaient rester dans l’état où elles étaient et continuer d’administrer leurs biens et d’en jouir.

Jean du Port Roux poursuivit son intervention en demandant au Conseil municipal de retirer ses soumissions et de supplier l’Assemblée nationale d’examiner ce retrait dans la sagesse. Puis, il conclut en affirmant que les dames de Sainte-Ursule ne devaient pas être considérées comme une simple congrégation libre instituée pour l’éducation des jeunes filles car il n’avait jamais existé de bulle générale du pape qui ait autorisé les congrégations de Sainte-Ursule a faire les voeux de religion, que quatre diocèses du royaume, ceux de Paris, de Toulouse, de Bordeaux et de Lyon, obtinrent des brefs du pape, dans le commencement du siècle dernier, qui autorisaient les soeurs congrégées Ursulines de leur diocèse seulement à prononcer des voeux solennels et à prendre le titre de monastère sous l’invocation de sainte Ursule et la règle de saint Augustin. “D’où il suit, termina-t-il, que les religieuses Ursulines de Romans et de tout le diocèse de Vienne, n’ayant jamais reçu l’approbation du Saint-Siège pour faire les voeux de religion, ont du rester dans l’état de congrégation libre et que sous ce rapport, elles ont un titre de plus à la jouissance et à l’administration de leurs biens, pourvu qu’elles se soumettent à remplir l’objet d’utilité publique pour lequel elles ont été instituées.”

Plusieurs pièces de procès au sujet de la succession de Françoise Adélaïde Brenier de Belair, qui avait fait profession dans le monastère de Sainte-Ursule de Romans le 9 décembre 1740, traitent de la question de savoir si les Ursulines de cette ville étaient de véritables religieuses mortes civilement et, comme telles, privées de la capacité de succéder. La lecture de ces pièces et les arguments utilisés par la défense ne permettent pas, objectivement, de douter de la régularité du dit monastère.

Le 9 novembre 1790, le Conseil municipal procéda à l’inventaire du mobilier, des titres et papiers du monastère de Sainte-Ursule, en présence de Françoise Ruel, supérieure, Marianne Robin, assistante, Thérèse Servan, zélatrice, Jeanne Fière, économe, et Marianne Charvet, conseillère.

Le 3 février 1791, les religieuses de choeur étaient au nombre de vingt-six : soeur Françoise de saint Marcellin Ruel, supérieure, soeur Sabine de saint Clément Robin, assistante, soeur Thérèse de saint Servan Servan, zélatrice, soeur Jeanne de saint Henri Fière, économe, soeur Anne de saint Clair Brenier, soeur Charlotte de saint Laurent Foron, soeur Jeanne de saint Martin Martin, soeur Marie Joseph de saint Esprit Deloche, soeur Toinette de sainte Rosalie Bon, soeur Angélique de sainte Constance de Mérindol, soeur Marie de saint Rémy Vial, soeur Marie de saint Joseph Sablière, soeur Marie Anne de saint Victor Sablière, soeur Marie de saint André Martin, soeur Christine de sainte Victoire Thomé, soeur Anne de sainte Sophie de Loulle, soeur Madeleine de saint Raymond Ruel, soeur Marguerite de sainte Foy Peronnier, soeur Marie de saint Ruf Giraud, soeur Marie Étienne de saint Fleury Quincieux, soeur Ursule de sainte Angèle Fiard, soeur Reine de saint Juvin Desoche, soeur Madeleine Nicolas de sainte Ursule Danthony, soeur Françoise de saint Louis Perrochet, soeur Angèle de sainte Julie Clément, et soeur Françoise Marianne de saint Albin Brenier, qui entendait profiter de la liberté que lui donnaient les décrets pour cesser la vie commune.

Étaient aussi présentes, une soeur laie, soeur Dauphine de saint Alexis Brichet, et cinq soeurs tourières, soeur Christine Drevet, soeur Marthe Grenier, soeur Euphrosine Die, soeur Thérèse Revol, et soeur Mélanie Roucet.

Le même jour, les dites dames et soeurs ayant été appelées en particulier et interrogées individuellement, par les officiers municipaux, si elles entendaient sortir de leur maison ou si elles préféraient de continuer la vie commune, déclarèrent toutes qu’étant satisfaites de la vie commune, elles la préféraient et entendaient rester dans la maison, sauf dame Françoise Adélaïde Brenier du Belair, laquelle déclara, le lendemain, qu’ayant fait des voeux simples dans le monastère de Sainte-Ursule, elle avait apporté en dot la somme de trois mille livres pour y être logée, nourrie et entretenue pendant sa vie, ainsi qu’il résulte des livres de la dite maison, qu’elle voulait désormais vivre hors de la dite congrégation et profiter des bienfaits offerts par l’Assemblée nationale aux religieuses, qu’elle réclamait la pension accordée aux dites religieuses par la loi et les effets mobiliers qu’elle avait laissés dans la chambre qu’elle occupait dans la dite maison.

   

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